Théorie de l'attachement
« Ce n’est que lorsque les besoins d’attachements sont satisfaits que le jeune enfant peut s’éloigner en toute sécurité de sa figure d’attachement pour explorer le monde qui l’entoure. » - J. Bowlby
La théorie de l’attachement a été développée par John Bowlby, psychiatre et psychanalyste anglais, dans les années 1960. Elle analyse les mécanismes d’appel à l’aide du bébé pour combler ses besoins, et l’impact des réponses du parent à ces appels. Cette théorie, étayée par les récents progrès des neurosciences, permet de mieux comprendre comment les interactions précoces mère-enfant, pendant les deux premières années de vie de l’enfant, sont déterminantes pour assurer son développement et la maturation de son cerveau.
Voilà une théorie que tout parent et futur parent devraient connaître et qui devrait faire partie du cursus de formation des professionnels de la petite enfance et de l’enfance.
L’enfant qui vient au monde est totalement dépendant de son parent : sa survie est véritablement entre les mains de l’adulte. Pas étonnant donc qu’il soit génétiquement programmé pour attirer l’attention du parent et ainsi assurer sa survie : durant ses premiers mois de vie, le bébé pleure, crie, s’agite, autant de langages non-verbaux pour exprimer la faim, la soif, le froid, la peur, la fatigue, la douleur, la tristesse ; des signaux de détresse émis afin que sa mère le repère, le prenne dans ses bras et le protège. C’est suite aux nombreuses réponses quotidiennes et bienveillantes du parent que le lien d’attachement se crée.
L’adulte, quant à lui, est prédisposé à répondre à ces signaux de détresse : là encore, c’est inné, génétiquement programmé. Même s’il y a une période d’apprentissage nécessaire au parent pour décoder correctement les signaux émis par l’enfant, celui-ci peut rapidement y répondre adéquatement. En intervenant rapidement, de façon chaleureuse, rassurante (câlins, voix douce, bercements, chants…) et permanente, l’adulte apaise l’enfant, apaise son cerveau submergé d’hormones de stress. Ainsi, peu à peu, les mois passant, le bébé apprend, dans les bras chaleureux et aimants de son parent, à tisser un lien de confiance enfant-parent qui va permettre de renforcer le lien d’attachement selon le modèle du cercle de confiance :
La figure d’attachement principale
Dans notre société, la maman est généralement la figure d’attachement principale, puisque c’est elle qui prend soin le plus souvent et le plus durablement du bébé pendant ses premiers mois de vie. Il y a également quelques figures d’attachement secondaires : papa, grand-maman qui prend soin de bébé un ou deux jours par semaine ou encore la nounou de la crèche. Chacune de ses figures prend sa place durant les 9 premiers mois de la vie du bébé, et par la suite, chacune demeure irremplaçable, spécifique, et non interchangeable.
Les conditions nécessaires au développement d'un lien d'attachement sécure
L’attachement se définit comme le lien affectif profond, invisible, fort et permanent qui procure un fort sentiment de confiance et de sécurité. L’attachement n’est pas à confondre avec l’amour. En effet, un parent peut aimer son bébé d’un amour véritable, tout en étant incapable, pour diverses raisons, de répondre à ses différents besoins de façon adéquate, entravant ainsi la mise en place d’un lien d’attachement sécurisé.
Le lien d’attachement se tisse lorsque l’adulte apporte une réponse satisfaisante, rassurante à des signaux de stress de l’enfant, beaucoup plus que lorsqu’ils vivent ensemble des échanges joyeux.
Certaines conditions sont nécessaires pour qu’un lien d’attachement fort et sécurisé se mette en place entre le bébé et son parent -figure d’attachement principale-. En effet, le parent doit répondre de façon adéquate aux différents besoins de son bébé, et ceci de façon répétée, au quotidien, durant les premiers mois de vie de l’enfant.
Les besoins du bébé
Le bébé a des besoins primordiaux qui doivent être comblés pour se développer harmonieusement physiquement et psychiquement :
Besoins physiologiques
manger, boire, respirer, dormir, éliminer…
Besoins de sécurité physique
Pour que le système nerveux de l'enfant se développe, pour que de nouvelles connexions se mettent en place au niveau du système nerveux périphérique, mais également au niveau du cerveau, ses différents sens doivent être sollicités, et cela régulièrement. Le parent nourrit les sens de son enfant en le portant, le berçant, le massant, le regardant, lui parlant, lui chantant une berceuse…
L'enfant dont la nourriture sensorielle est bonne et suffisante, a la capacité et l’envie d'aller à la découverte de son environnement : il manipule les objets avec facilité, s'assoit et apprend rapidement à marcher et à parler. Il acquiert une bonne perception de son corps. En temps voulu, il aura donc de bonnes compétences pour rentrer dans les apprentissages scolaires.
Besoins de sécurité psychique, de lien affectif
Face aux pleurs, aux cris de l'enfant, le parent a des gestes de tendresse, des mots de consolation, des regards encourageants et compatissants. L'enfant se sent alors en sécurité et prend peu à peu confiance en son parent. Il recherche sa présence, son regard, a du plaisir à être avec lui, lui sourit, lui fait des babillages. L'enfant développe ainsi un attachement sécurisé.
Les réponses adéquates
Lorsque le parent répond de façon adéquate aux signaux de détresse de l’enfant, l’attachement qui se construit est sécurisé et l’enfant a une représentation de sa propre personne et du monde qui l’entoure suivante :
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mes parents sont fiables et dignes de confiance. Je suis en sécurité avec eux.
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étant donné qu’on me répond, je suis précieux, je mérite d’être aimé et je suis compétent.
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mon environnement est sécuritaire et agréable.
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je mérite de voir mes besoins comblés.
L’enfant développe un sentiment de confiance en lui, en les autres et envers l’univers. En intégrant ces modèles d’interactions positives, il sera capable de les reproduire plus tard, avec les autres !
L’attachement est un tremplin vers l’exploration et l’autonomie
Vers l’âge de 9-12 mois, alors que les habiletés motrices de l’enfant sont en plein essor, l’attachement donne à l’enfant la sécurité et la confiance nécessaires pour aller à la découverte du monde qui l’entoure : il devient un petit explorateur ! Et la maman -figure d’attachement principale- a un rôle primordial à jouer dans cette période d’exploration : elle est la base de sécurité de son enfant. Plus l’enfant se sent en confiance, plus il trouve en lui les ressources pour explorer son environnement. Notamment la confiance qu’en cas de problème, de détresse, il peut se replier vers sa base de sécurité et y trouver sécurité, soutien et réconfort. Et une fois le calme retrouvé, il repartira de plus belle.
Un des messages important de la théorie de l’attachement est que de répondre aux pleurs/appels de l’enfant ne le rend pas dépendant de l’adulte, mais au contraire lui donne la sécurité et la confiance nécessaires pour s’ouvrir au monde et devenir autonome.
Comportements particuliers expliqués par la théorie de l’attachement
À 9 mois, le bébé se rend compte qu’il est une personne à part entière et la séparation de sa figure d’attachement principale peut donc provoquer une insécurité importante pendant quelques temps. Ses pleurs et les bras tendus vers maman alors qu’il est dans les bras de la voisine qu’il connaît peu ont un seul but : se rapprocher de maman pour se sentir en sécurité. Maman évitera donc les commentaires : « Mais fais pas ton timide, reste dans les bras de Jeannine ! »
Un enfant peut passer une journée entière à la crèche sans qu’il y ait le moindre problème : il mange bien, dors bien, joue et explore. Lorsque maman arrive pour le récupérer, il refuse de mettre ses bottes et fait une crise. Les bottes ne sont qu’un prétexte, l’occasion de décharger tout le stress, les tensions, les émotions difficiles accumulés durant la journée. Alors qu’il est resté sage avec les éducatrices, il ose enfin se lâcher avec maman (figure d’attachement principale) car il sait qu’avec elle il est en sécurité, qu’elle est prête à accueillir sa détresse, ses cris, ses pleurs avec patience, empathie et un amour inconditionnel. Si un enfant est plus difficile avec sa maman, c’est qu’il se sent en confiance avec elle : c’est que la relation est bonne.
Parce que maman est la figure d’attachement principale, le jeune enfant, lorsqu’il a un problème, choisit les bras de maman pour se calmer et peut refuser catégoriquement les bras de son papa. Cela ne veut pas dire que l’enfant n’aime pas son papa !!
L’attachement : un facteur déterminant pour le bon développement de l’enfant et pour sa future santé psychique et physique
Chez l’enfant, l’attachement constitue la base de son estime de lui-même, de sa sécurité affective, de sa responsabilité, de sa motivation à grandir et à apprendre, de sa capacité à voir la vie avec enthousiasme et optimisme.
A long terme, un attachement sécurisé permet à l’enfant, l’adolescent, l’adulte d’avoir confiance en lui et en l’autre, de mieux réguler ses émotions comme la colère, la peur, la tristesse, et de mieux gérer le stress. Il est en quelques sorte mieux outillé pour faire face aux situations difficiles de la vie. Il permet aussi le développement de l’empathie essentielle pour tisser de bonnes relations sociales et trouver des solutions satisfaisantes en cas de situations conflictuelles.
En revanche, si, durant ses premières années de vie, l’enfant a été confronté à une figure d’attachement qui ne lui inspirait pas confiance, incapable de répondre à ses besoins de façon fiable et rassurante, sa vision du monde et de lui-même dans ce monde sera bien différent : de ses expériences, son cerveau a enregistré qu’il ne peut pas faire confiance aux adultes, ni se livrer ou s’attacher, que le monde est dangereux et que les émotions ressenties sont à bannir. Cet attachement dit insécure impacte de façon durable le comportement de l’enfant et de l’adulte qu’il deviendra, pouvant aller jusqu’à des troubles du comportement.
Nous avons tous notre propre histoire d’attachement qui influence nos comportements d’adulte, nos réactions au sein de notre famille, avec nos amis et dans le monde professionnel. Voici quelques questions dont les réponses pourraient donner un éclairage sur notre style d’attachement …sécure …complètement ???
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Ai-je confiance en moi ?
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en toute situation, c’est-à-dire aussi dans les situations difficiles et/ou des situations d’échec.
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uniquement en situation de réussite.
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face à n’importe qui, c’est-à-dire aussi face à des personnes qui émettraient des critiques.
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seulement face à certaines personnes que je sais bienveillantes.
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Suis-je capable de partager mes émotions et sentiments avec les personnes qui me sont proches, mon conjoint, un(e) ami(e) chèr(e) ? ou est-ce difficile ?
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Ai-je peur que les personnes qui me sont proches m’échappent et/ou m’abandonnent ?
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Ai-je tendance à être possessif et jaloux ?